mercredi 10 novembre 2010

PWE 2.0 / L'Amazone en tapis volant / Semiotics of Go



La deuxième édition du jeu Pur Week-End verra-t-elle le jour ? La première édition fut un succès, et nous savons comment le rendre encore meilleur, mais... l'illustratrissime Dorobinetta est partie il y a quelques jours, rejoindre les Indiens Shipibo vers Iquitos, dans la forêt amazonienne, pour au moins un an... Impossible de faire une deuxième édition sans elle, donc je t'attendrai. Je suis sûr que tu reviendras
avec une créativité explosive. Sinon je viendrai te chercher !

J'ai d'autres prototypes assez cools dans la semelle, mais pour l'instant pas de sous pour les développer et les éditer. Passer par un autre éditeur ? Hum... En tous cas je suis à la recherche d'illustrateurs pour faire de beaux protos. Avis aux... professionnels !

J'ai eu la chance de rencontrer la poète Marion Baruch au festival de l'édition écologique à la Bellevilloise. Elle m'a invité dans sa chambre vide, po
ur divaguer sur son tapis volant, jeu de traduction qui entre en résonance avec l'un de mes prototypes, mais dont le nom me rappelle un autre jeu d'enfance, lorsque je partais avec ma soeur pour de longs voyages
en tapis volant, accompagnés de nos fidèles peluches, à travers
la nuit et ses lumières. De tous, je crois que ce fut mon jeu préféré.




Mon étoffe ludique actuelle est encore plus petite, à peine 20cm sur 20cm...


C'est le jeu de go ! J'interviendrai au International Congress of Semiotics (yeah), à Lyon, du 2 au 4 décembre, dont le thème est l'énonciation fragmentaire. Ci-dessous le pitch (yo) éminemment prometteur (un peu trop peut-être ?!) de mon intervention. N'hésitez pas à me dire quelles directions vous semblent intéressantes !


"Fragmentée, implicite, non verbale, géniale : l’énonciation des joueurs de go"

"L’énonciation fragmentaire connaît une forme très pure : celle des joueurs de go. Pour ceux-ci, chaque coup est l’occasion de poser une pierre sur le "goban", de façon à former progressivement des territoires. Le débutant joue en posant les pierres les unes à côté des autres, dans la perspective de produire une énonciation continue. Mais tout l’apprentissage de ce jeu consiste à élaborer une énonciation fragmentaire, où chaque pierre posée ne vaut que par l’étendue des connections possibles avec chacune des autres pierres. L’observation de parties de joueurs professionnels permet de constater que, bien que distantes, les pierres posées ne sont pas disparates. L’énonciation fragmentaire se coalise dans la mise en place de"belles formes" en partie hypothétiques, puisque leurs lignes ne se constituent que progressivement, dynamiquement, jusqu’à atteindre leur but, la vie éternelle.
Le jeu de go est aussi cruel, puisque sa maxime de base est : "couper, connecter". Il s’agit de parvenir, progressivement, à connecter son énonciation fragmentaire, mais en parallèle, à empêcher l’adversaire de la défragmenter. Cette opération de combat pour atteindre une continuité au détriment du discours adverse fait du jeu de go un exercice de rhétorique abstraite, donnant à manier de "redoutables armes mentales" comme l’écrit Georges Perec dans son Petit traité invitant à l’art subtil du jeu de go.
Les figures du jeu permettent alors de nombreuses comparaisons avec des utilisations modernes et stratégiques de l’énonciation fragmentée, telles que : le camouflage, l’appât, la rigidification de l’énonciation adverse, le pavage, l’étouffement. Une partie de go s’élabore donc à la croisée de deux énonciations fragmentaires, où les significations partagées par les deux joueurs se fondent en majeure partie sur l’implicite de leur dialogue. Cela peut expliquer pourquoi ce jeu, purement abstrait, est le seul jeu dont les logiciels sont dominés par les joueurs humains. Ajoutons un élément qui fait de ce jeu un objet sémiotique aussi passionnant que difficile à appréhender : le dialogue qui se noue, fragmentaire, majoritairement implicite, est avant tout, non verbal. Plus qu’un objet, il peut donc être un outil d’évaluation des concepts d’une sémiotique qui se voudrait enfin libérée du moule de notre langue naturelle."

Et donc, pour se démouler... si on allait voir les Shipibo ?

mardi 20 juillet 2010

Petit bilan humain de ma 1ère année comme auteur et auto-éditeur..

Ces dernières semaines ont été remplies d'émotion et les écrire en quelques lignes me fera du bien.

J'ai appris le décès de Vincent, de Trictrac, et je pense beaucoup à lui et à ses proches, Phal, bien sûr, Marie que j'avais rencontré à Cannes, et tous ceux qui le connaissaient mieux que moi. C'est lui qui avait écrit l'article très sympa de Trictrac sur Pur Week-End ; grâce à lui aussi que j'avais passé un vrai pur week-end pour les 10 ans de Trictrac. Je l'imaginerai bien longtemps, les cheveux et la barbe au vent, filant à vélo indéfiniment, et un bon millier d'amis tout autour de lui.

Cette année a en effet été, avant tout, une année de rencontres, et c'est vraiment ce que je retiens de mon entrée dans le milieu du jeu. Pampuck, d'Oya, qui m'a donné le courage d'autopublier en acceptant de distribuer Pur Week-End, m'a donné de nombreux conseils, m'a permis de partager son stand à Cannes, où j'ai fait tant de rencontres fantastiques, notamment celle de l'équipe de Festiludis, Joëlle, Serge et tous les autres.. Il m'a aussi amené à la webtélé de Trictrac, justement, ce qui m'a permis de faire connaître plus largement le jeu, dans un format professionnel, avec un Phal génialissime, une équipe tellement sympathique.. J'ai rencontré beaucoup d'auteurs et d'éditeurs de jeux, à Cannes, à Fort-de Mons, à Valence, à Saint-Marcel, aux dix ans de Trictrac.. Matthieu d'Epenoux, tellement généreux en conseils ; Philippe des Pallières, dont les compliments et les remarques sur PWE ont fait mouche ; et puis, les responsables de magasins, qui, partout (ou presque.. pauvres employés du Nain Jaune à Lyon...), m'ont accueilli et soutenu (merci Celidan Ludomancien, du Damier de l'Opéra à Paris ^^) en prenant 6, 12, parfois 18 exemplaires de PWE. Tous les joueurs aussi, forcément, qui ont testé et apprécié le jeu dans ces salons et l'ont emporté chez eux, me faisant parfois l'honneur de me demander une dédicace ! Enfin, dernière rencontre magique en date, Yaëlle, des éditions Patte d'Ourse, qui, dit oniriquement, m'a aidé à refaire le lacet de mon fils caché ;-), ou dit plus rationnellement, qui a fait tester Pur Week-End aux « Dixit boys », Jean-Louis Roubira et Régis Bonnessée, qui paraît-il l'ont beaucoup aimé. Elle m'a aussi encouragé à contacter Yves Renou, de Paille Editions, qui a rapidement décidé de mettre PWE à la suite de Dixit dans son catalogue... et comme il est actuellement en train de vendre à toute vitesse les derniers exemplaires de la première édition, tout cela m'autorise à envisager une deuxième édition ! (Probablement "tout public" cette fois-ci !). Les rencontres et les émotions ne font donc que commencer...

L'élaboration de cette deuxième édition est pour l'instant en balance avec le développement de trois autres projets de jeux auxquels je crois beaucoup (en terme de qualité et d'originalité de l'expérience). Je cherche donc des testeurs de jeux, des graphistes, illustrateurs, programmeurs pour appstore, et... des associés pour publier toutes ces œuvres !


dimanche 21 février 2010

Un jeu où l'on tue.. en conscience

Dans quelle situation seriez-vous prêt à tuer un être humain ? Cette question pourrait être l'argument d'une casuistique féconde pour les jeux, et notamment les jeux vidéo, où la relation fusionnelle entre la manette et la gâchette facilite les dispositifs de meurtres en série. Et si un jeu proposait comme expérience ceci : le personnage incarné, menant une vie « normale », se retrouve bientôt dans une suite de situations où le meurtre pourrait éventuellement se justifier... Le joueur devrait donc progressivement délimiter ses frontières morales. Mais il ne suffirait pas de penser savoir quelle est la bonne décision, mais d'être capable de prendre cette décision au bon moment, voire dans l'instant où la situation l'impose. Un jeu où, si vous hésitez trop, un inconnu, puis plusieurs, puis votre famille (virtuelle..), vous, risquez la mort parce que vous n'avez pas osé tuer.. Une cause politique (de type résistance) aurait-elle aux yeux du joueur plus de prix qu'une cause familiale ? Imaginez qu'Hitler vous confie son projet en 1933... Ce jeu permettrait de redonner du sens à l'acte de meurtre, si banalisé dans le jeu vidéo. Bien sûr, cette banalisation reste symbolique, et le meurtre symbolique est une activité psychique quotidienne, avec ou sans média. Mais recréer de la rareté, dans cette logique de destruction symbolique, engagerait peut-être aussi une autre forme d'expérience, celle qui, d'après certains des meilleurs réalisateurs de jeux vidéo , manque : l'émotion. Appuyer sur la gâchette prend un tout autre sens si la décision est complexe et rare, que si c'est le vocabulaire de base du jeu (par exemple tous ces jeux qui consistent principalement à choisir son arme).
S'agirait-il d'un serious game ? Ou d'un jeu d'emo-tainment ? Il s'adresserait en tous cas à tous ceux qui cherchent à apprendre sur eux-même, plus que sur la manipulation d'un joystick. Ce serait aussi l'occasion de parler du meurtre animal : ou placeriez-vous cet acte sur votre échelle de valeurs ? Quelles situations le justifient ?
Ce qui est sûr, c'est qu'à long terme, les jeux qui resteront dans les mémoires, dans le patrimoine culturel et dans les catalogues de vente ne seront pas ceux qui se vendent le plus aujourd'hui. Dans l'acte de meurtre comme dans celui de production d'un jeu vidéo, la qualité de la décision ne dépend-elle pas d'une évaluation des conséquences, évolutives, sur la durée ?

edit : un post qui parle des avancées sur ce terrain : http://passeurdesciences.blog.lemonde.fr/2011/12/05/tueriez-vous-une-personne-pour-en-sauver-cinq/comment-page-5/#comment-12787